Sujet: Collateral damage ▲ Nolan Mar 22 Nov - 12:59
« Collateral damage »
L'absence tiraille mes pensées et mes songes se meurent sous la fatalité de ce monde. Je vagabonde à travers le temps, j'y grave mes douleurs incomprises et la solitude reprend ses droits sur mon existence. J'étais consciente qu'en le quittant, j'ai abandonné mon âme. Mon âme et ma rédemption. Le spectre de mes psychés était si obscur de paradoxes qu'il m'était impossible de devenir celle que j'étais avant. Mon indulgence avait été broyé par mon suicide, ma clémence quant à elle avait rejoint les cendres de son agonie. J'avais tué son âme, brûlé son cœur et tailladé ses veines. Son empire s'est brisé sous mes phalanges et il n'a pourtant jamais cessé de m'aimer. Jamais, pas une seule fois. Quel était le sens de ma présence ici ? Cette question me tourmentait, comme un esprit frappeur. Une malédiction lancée pour confirmer ma damnation dans les limbes d'une âme troublée par la démence. J'avais beau cherché, je ne trouvais aucune réponse à cette question. Elle restait là, ancrée dans mes songes. Bien décidée à faire de ma vie mortuaire un enfer mental. Les flashbacks meurtriers ne se gênaient pas pour me hanter et ce qu'il restait de mon cœur ne s'arrêtait pas de saigner à la vision de ses images éclatées par la souffrance. Durant ma courte existence de vivante, je n'avais jamais goûté l'amertume des remords, ni les larmes des regrets. Criant haut et fort que personne ne méritait mes excuses. Aujourd'hui, je ne faisais que payer pour les maux que j'ai laissé derrière moi. Pour avoir bafoué la sincérité d'un amour sans limite et sincère. Aujourd'hui, il n'était plus là et c'était certainement la chose la plus horrible que l'on pouvait m'infliger. La décomposition de mon être s'effectuait sous des silences solitaires. L'idée de mettre fin à cette guerre à nouveau me traversait la tête, faisait naître en ma mémoire des songes lugubres et assassins dont je ne craignais en rien l'existence. Pourquoi serais-je censé rester ici ? Il me suffirait d'une seule raison seulement, il n'y en avait aucune.
Il était facile de se voiler la face, de marcher avec indifférence et de refuser d'admettre que tout avait brisé par égoïsme pur. Je n'en avais plus rien à faire, tout ces gens dans les parages ne m'intéressait pas et je ne savais pas. Non je ne savais plus à quoi tout cela rimait et où mon cadavre allait finir une bonne fois pour toutes. Mes pas ne cessaient de me transporter, toujours sans connaissance de destination. Sur mon chemin, j'avais ramassé quelques baies qui m'avait aidé à faire taire cette famine insensée. Depuis quand les morts avaient besoin de manger ? À croire que nous ne sommes pas aussi morts que ça. Je réfléchissais au temps qu'il me restait. Combien de temps pourrais-je me maintenir en vie dans cet endroit ? Mes hypothèses n'étaient pas très positives d'un point de vue objectif et pourtant moi, elles me rassuraient. Je voulais bien mourir à nouveau. J'ai déjà tout perdu en finissant ma vie une fois. Cette fois-ci n'a aucune importance, j'en été parfaitement consciente. Plus rien n'empêchait mes souffles de s'éteindre. Plus rien, même pas l'instinct de survie. Il s'était fait la malle, tout comme mon humanité. Le pire, c'est que ce n'étaient pas des apparences.
Alors que mes pensées courraient dans mon esprit, je me suis rendue compte qu'il y avait un océan face à moi et que mes talons s'enfonçaient dans ce que je supposais être du sable. À l'horizon, une île se dessinait. Sa flore m'interpellait par des reflets cristallins malgré cette nuit sans lune. Le soleil semblait s'être éteint depuis quelque temps. Et tant mieux. Je ne l'ai jamais aimé. Une barque se trouvait à quelques mètres de moi, par je ne sais quelle miracle. J'étais monté dedans, hésitant quelques minutes à me rendre sur cette île qui semblait isolée du reste de ce pays. Finalement, je décidais d'y aller. Après tout, qu'est-ce que je risquais ? Si ce n'est que la mort dont je me foutais éperdument. Un bateau à moteur aurait été plus approprié, je suppose mais il fallait faire avec les moyens que je possédais. J'ai donc ramé, quelques heures certainement. Suffisamment pour faire souffrir mes avant-bras. J'avais échoué sur une plage, où une horrible odeur m'avait donné un haut le cœur. L'eau était opaque et épaisse, comme si elle s'était transformée en pétrole. Cette plage n'avait rien de paradisiaque et pourtant je ne comptais pas encore partir. Par sûreté, j'ai décidé de dissimuler la barque avec laquelle j'étais arrivée ici derrière la flore des environs jusqu'à plus personne ne puisse la voir. Cette barque était mon seul moyen de faire marche-arrière et il était hors de question qu'on me la prenne. Le vent soufflait toujours, renforçant ce froid qui devenait de plus en plus infernal. En observant les environs qui s'étendaient autour de moi, j'ai compris que j'étais seule sur cette plage. Totalement seule. Je décidais de m'asseoir sur un des rochers qui se trouvait à marée basse avant de continuer mon chemin afin d'explorer cette île étrange et peut-être y trouver quelque chose à manger. Le bruit des vagues m'apaisait. Mon regard se perdait au loin et mes pensées reprenaient leur danse au sein de mon esprit fatigué. Elle redessinait les traits d'un visage que j'avais rencontré, faisait résonner une voix au creux de mes tympans et me rappelait l'iridescence d'un regard que je ne connaissais que trop bien. Je me déconnectais de tout ce qui m'entourait, complètement prise au piège par la nostalgie, si fort que je ne m'étais même pas rendue compte qu'un homme s'était assis à mes côtés. Sans un mot et qu'il fixait lui aussi l'horizon.
Une brise légère s’éleva bientôt, s’engouffrant délicieusement dans mes cheveux. Bien être. Légèreté. Ce monde était d’une obscène beauté. Ou peut-être d’une laideur magnifique ? Dans tous les cas, c’était du pareil au même. Je me sentais bien ici. Je trouvais que ce lieu était nettement plus agréable à parcourir que le monde des vivants qui de part leurs ethnocentrisme exacerbé, osait prétendre que c’était le meilleur monde qui soit. Sottise. Cette destruction. Ce chaos. Ce désespoir. Ce champ de bataille. Ces lieux dangereux autant par leurs occupants que par leurs environnements. J’étais indubitablement séduit. C’était fascinant. Si peu commun. Si peu ordonné. Si déséquilibré. Si détraqué. Tellement moi.
Il y avait cependant une ombre sur le tableau, je n’arrivais pas à retrouver ma bien-aimée. J’avais beau avoir parcouru ce pays de long en large, aucune trace de sa présence. Peut-être n’était-elle tout simplement pas là ? Non, de ça j’en étais sur. Je le sentais au plus profond de moi qu’elle était là. Je n’avais juste pas cherché au bon endroit. Ou peut-être m’avait-elle aperçue et avait décidé de précautionneusement m’éviter. Non, non et non. Ce n’était pas son genre. Elle n’avait pas froid aux yeux, c’était une battante et si elle m’avait vue, je suis certain qu’elle serait venue me dire mes quatre vérités. Elle était comme ça mon Amour. C’était d’ailleurs cet aspect-ci de sa personnalité qui me plaisait le plus chez elle, en plus d’autres choses. J’aimais cette flamme vive dansant dans son regard lui donnant l’air d’une personne qui ne craignait rien ni personne. Lui donnant un air de fer inflexible dont le feu le plus intense n’aurait su faire plier. C’était la Reine de mon coeur. Et je n’aurais de cesse de l’avoir retrouvée. Ma détermination était grande, assurément que j’y parviendrais, après tout deux êtres qui s’aiment ne peuvent rester longtemps éloignés l’un de l’autre.
Lorsqu’elle avait atterri dans ce pays elle devait sans doute être perdue, déboussolée par cet environnement qu’elle trouva à coup sûr inhospitalier. Aurait-elle jouée la carte de la prudence en ne s’aventurant pas sur des contrées inconnues ? Certainement. Quel endroit aurait pu lui paraitre un minimum coconesque dans ce cas ? Question à un million de livres. Tout n’était que chaos, comment trouver un abri ? L’idée même d’un abri sur un champ de bataille était d’un ridicule. Néanmoins, je me devais d’essayer. Elle était là, quelque part, seule, abandonnée et en proie à cette solitude qui l’a longtemps habitée. Elle a besoin que son mari la protège, l’assure que tout ira pour le mieux. Bien qu’elle ait voulu demander le divorce, je me considère toujours sienne. Elle mienne. Et il en sera ainsi éternellement. Je l’aimais bien trop pour qu’il en soit autrement, elle aussi je le suppose. Nous avions tout les deux faits des erreurs, corrompus nos sentiments et nos pensées, néanmoins demeurait le fait indéniable que nous nous aimions. Ah, mon Amour ! Où peux-tu bien être en ce moment ? Ton cœur me réclame-t-il aussi douloureusement que le mien ? Sois patiente, ton preux chevalier viendra sous peu à ton secours.
Je récapitulais mentalement les endroits que j’avais déjà visités, du moins je tentais de me souvenir des directions –nord, sud, est, ouest- que j’avais déjà faite et me mis en route. Ce pays était immense, une vie ne serait pas de trop pour le parcourir. Mon chemin fut soudain stoppé par une étendue d’eau noirâtre dégageant une odeur des plus désagréables. J’aperçus alors l’ossature d’une ’île perdue au-delà de cette mer aussi sombre que les ténèbres régnant en maitre absolu depuis la rechute d’Alice. L’endroit semblait complètement du reste du monde, des plus grands dangers qui peuplaient ce pays, la logique voudrait donc qu’Inaya y ait élu refuge. J’inspectais la cote à la recherche d’un quelconque moyen pour ma traversée, sans succès cependant. Cela ne se pouvait, j’étais si prêt du but ! Si l’on ne pouvait y aller par la mer, il devait, à tous les coups, y avoir un chemin sur terre. Le tout c’était de le trouver. Je marchais. Longtemps. Très longtemps. Je commençais à désespérer. Manque. Je me sentais comme Roméo à la fenêtre de sa Juliette, sauf que dans le cas présent je ne pouvais ni la voir, ni lui parler. Manque. Alors que j’étais sur le point d’abandonner mes recherches infructueuses à cause de la fatigue qui me gagnait, je remarquai une petite route en terre battue adroitement dissimulée. Victoire. Je l’empruntai. Tous les chemins mènent à Rome, a-t-on coutume de dire, celui-ci ne fera pas exceptions. Je débouchais sur un terrain qui je supposais fut jadis une plage qui, à ce que je pouvais constater, s’étendait sur plusieurs kilomètres au moins. J’avançais aussi rapidement que me permettait mon état physique et c’est là que je vis une silhouette nonchalamment assise un rocher, fixant l’horizon. Une posture contemplative. Etait-ce celle que je cherchais désespérément depuis mon arrivée ? Je pressai le pas. Je courrais. Je m’arrêtai soudain. Elle était là. J’inspirai profondément afin de calmer le concert qui avait lieu dans ma cage thoracique. Elle était là. J’avalai ma salive pour humidifier ma gorge asséchée par l’émotion. Elle était là. J’étais prêt. Ma progression était plus lente cette fois. Plus mesurée. Plus contrôlée. Une brise légère s’éleva bientôt, s’engouffrant délicieusement dans mes cheveux. Bien être. Légèreté. Déception. Désenchantement. Désespoir. Ce n’était pas elle. Le vent se fit aussi violent que la douleur qui était sur le point de me terrasser. Ereinté, j’allais m’installer près de la diabolique chimère, le cœur gros. Etais-je condamné à ne jamais revoir ma Déesse ? Mes yeux se portèrent sur le paysage de désolation qui nous entourait, oasis pour mon âme en peine. Nos âmes en peine. Je supposais ma voisine, elle aussi, en proie à des pensées peu agréable au vu du regard triste et pensif qu’elle arborait.
Qui a-t-il donc de plus apaisant que le silence ? Ce souffle feutré sortant du néant afin d'apaiser les hurlements de nos esprits. Je chérissais le silence comme on chérit une religion. Les échos du néant se perdant dans ma mémoire anesthésiaient toutes les brûlures commises par la brutalité des bruits inutiles. Le silence était la plus belle symphonie qu'il m'avait été donné d'écouter. Il était pourtant si rare de l'obtenir. Il semblait parfois si inaccessible que le désir de le capturer ne se faisait que plus grandissant. L'obscur de mon âme se berçait dans les non-dits incompris et je restais ce fantôme impalpable, cette ombre disparaissant au lever du jour. L'excitation humaine ne m'intéressait guère, tout ce qui touchait à cet être animal n'entrait pas dans ma vision. J'étais hors du temps, hors de la société et ce depuis toujours. Ma place n'était pas au centre d'une foule, elle était dans l'oubli. Dans la transparence de ma chair. J'étais cet esprit sauvage, impossible à attraper. Cette furie discrète et pourtant si cruelle par moment. J'avais laissé mon âme au centre de la paume de mon aimé. Et mon aimé n'était pas présent. Il insufflait cet oxygène que mon corps rejetait depuis mon arrivé au pays des merveilles. Je n'étais rien d'autre qu'une meurtrière insoupçonnée, errant au milieu de ce rien qui était devenu ma demeure.
Le monde des vivants n'était qu'une montagne de débilités. Je ne supportais pas tout ce chahut que la population créait et je la fuyais la plupart du temps. Éreintée par la cacophonie qui faisait saigner mes tympans. La glace qui recouvrait ma peau faisait fuir les imbéciles curieux. J'avais adopté cette apparence de froideur infroissable pour les empêcher de percer le trésor que j'enfouissais au plus profond de moi. Ils ne méritaient pas mes regards. Il ne méritait que le silence. Dur et cassant. Mon meilleur ami, celui qui se fondait dans mes iris brumeux et brisés par la déception. La folie de ce monde m'avait poussé à m'isoler inconsciemment. Si je me retrouvais sur cette plage, c'est certainement car il y avait beaucoup trop de monde pour moi de l'autre côté de cet océan. Je n'avais jamais été ce genre de personne à converser pour combler le besoin d'avoir une présence à ses côtés. Je me fichais de cela, à un point qu'il m'était impossible de décrire avec les mots. Il ne me fallait qu'une personne. Une seule et celle-ci n'était pas présente.
Oh Dieu, combien sa présence me manquait ? Combien de fois son échine se dessinait dans mes songes avides de le retrouver. Je me maudissais plusieurs centaines de fois pour l'avoir laissé seul alors que je lui avais murmuré cent fois la promesse de ne jamais le laisser, de ne jamais lâcher sa main. Pourquoi a-t-il fallu que les démons de mon passé reviennent me hanter ? Pourquoi a-t-il fallu que je sois aussi égoïste et immature alors que son cœur faisait simplement vivre le mien ? J'étais furieusement mélancolique.. À chaque fois que son fantôme revenait me hanter et il n'y avait aucun remède à ce manque. Aucun moyen de me faire aller mieux pour de bon. Je restais esclave de la douleur, dans le secret de mon indifférence à la vie. J'attendais passivement que la mort vienne me reprendre pour m'enfouir dans les ténèbres les plus obscurs. Ce monde était encore trop vivant pour moi et je ne désirais pas vivre sans cette âme, qui est sœur à la mienne.
Je ne savais pas qui était cet homme, assis à mes côtés, ni même la raison pour laquelle il l'avait fait. Je savais simplement qu'il respectait ce silence que j'aimais tant et j'appréciais cela. Rien ne semblait troubler cette aura d'inaccessibilité qui nous entourait et nous sommes restés de nombreuses minutes ainsi. À simplement fixer l'horizon, laissant vagabonder nos pensées au rythme des vagues qui chantaient pour nous. Le sablier du temps déposait ses grains sur nos âmes et il s'évadait dans les galaxies qui nous échappait. Je savourais ce requiem vidé de toutes émotions, de toutes tensions et je me sentais sereine. Lavée de tout mes maux, enfin presque. Si l'on omettait que le vide présent ne faisait que creuser plus encore mon inhumanité. « J'aimerais savoir capturer le silence, pour l'emmener partout avec moi. Il y a tellement de bruit de l'autre côté... Tellement d'âmes perdues dans un néant qu'elles ne comprennent pas. Est-ce que tu fais parti de celles-là toi aussi ? »