Sujet: Two wild hearts ▲ Franciszek Sam 5 Nov - 1:43
« Two wild hearts »
L'obscurité nocturne s'était infiltrée au creux de mes iris sans que je ne m'en aperçoive. Le soleil s'était couché, m'enfonçant encore un peu plus dans cette solitude, qu'avec le temps j'ai appris à aimer. Depuis mon arrivée ici, je n'avais fait que marcher. Un pas devant l'autre, en rythme régulier accompagné de cette satané colère que j'étouffais à chaque fois que je posais un pied par terre. C'était un moyen comme un autre d’oublier. La notion du temps ? Je n'en avais rien à faire. Tout ce que je désirais, c'était partir et pour cela je devais avancer. Toujours. Je n'étais pas certaine que la folie de ce monde soit réelle. Mon esprit était tout à fait capable de créer ces choses totalement loufoques et inutiles, surtout si il était aidé par le LSD. Une sensation étrange m'habitait, cette sensation que l'on ressent lorsqu'on à oublier quelque chose de très important sans pour autant s'en rappeler. Il y avait comme un trou noir dans ma mémoire. Quelque chose qui s'était effacé, quelque chose d'essentiel et cela m'agaçait. J'avais la certitude que tout ceci n'était que le pur fruit de mon imagination, j'allais me réveiller dans très peu de temps avec un mal de crâne à faire tomber n'importe qui par terre. À croire que j'étais condamnée à la dépendance chimique. Pourtant je me pensais enfin clean... C'était le seul hic à mon hypothèse. Quoi qu'il en soit, je laissais mes jambes me porter sans avoir de réelle destination. Le froid me poussait à rester en mouvement, à faire chauffer mes muscles de plus en plus glacés par ce que je supposais être l'automne. Je portais cette même robe de soirée que j'avais mise pour la soirée de mon anniversaire -je me demandais bien pourquoi d'ailleurs..- et marcher avec des talons en pleine forêt, non ce n'est vraiment pas la joie. Mes chevilles commençaient à me faire mal. Quel genre de rêve étais-je en train de faire pour que tout me semble si réel et concret ? J'avais l'impression d'être entrer dans ce conte écrit par Lewis Carroll. Alice aux pays des merveilles. Cependant, les choses semblaient obscurcies. Tout n'était pas aussi coloré que ce que l'on racontait aux enfants. Mon esprit était donc d'humeur malsaine ? Un sourire amusé s'était dessiné sur mes lèvres à cette pensée.
Je continuais à marcher sans but, avec l'espoir immense de me réveiller très bientôt. J'observais toutes ces bestioles qu'il y avait autour de moi de façon enjouée. J'étais certaine que rien ne pourrait m'arriver, non rien puisque ce n'était qu'un rêve. Un simple et stupide rêve. J'étais presque à l'aise, si l'on omettait le froid qui me griffait la peau et cette douleur que la marche me faisait ressentir. J'étais surprise de voir à quel point mon imagination pouvait aller loin... Je m'en faisais presque peur. J'étais toujours en train de marcher, jusqu'à ce qu'une ombre à la silhouette humaine se dessine face à moi. Je m'étais arrêté un instant, hésitant clairement à continuer mon chemin. Pourquoi est-ce qu'une personne était dans mon rêve ? Je n'avais pourtant pas l'habitude de rêver des gens. La curiosité était la seule et unique raison pour laquelle j'ai continué à marcher jusqu'à être côte à côte avec l'ombre en question. C'était un jeune homme assez grand et tatoué. Lui aussi n'avait pas l'air de savoir où il allait. Tout en continuant à marcher, je l'ai fixé. Assez longtemps. Suffisamment longtemps pour qu'il tourne son visage vers moi. Cela avait pris quelques minutes, il avait l'air de se foutre de tout. Et ma présence lui était insignifiante, du moins c'est ce qu'il montrait. Ses traits me disaient quelque chose mais encore une fois, j'avais cette sensation de ne pas me souvenir.
« Qu'est-ce que tu fais dans mon rêve ? » avais-je lancé. Oui, oui, toujours aussi certaine que tout cela n'était qu'un de mes songes délirants.
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Sujet: Re: Two wild hearts ▲ Franciszek Sam 5 Nov - 11:44
Je n'aimais pas cet endroit. Il était trop vert. Vert sombre, vert clair, vert pomme. Il y avait tous ces arbres, toutes ces bestioles, toutes ces feuilles qui me collaient de partout. Il y avait ces champignons, parfois aussi grands que les sapins, parfois plus plus petits que ma main. Cet endroit faisait trop farfelu, et ne collait pas du tout à mon esprit rationnel. C'était laid. Je n'aimais pas, je n'aimais pas. J'errais sans but dans ce bois, échappant à tous les dangers à l'aide de mes cartes rasoir. Heureusement qu'elles étaient là. Cependant, j'avais les mains pleines de cicatrices et tailladées de tous les côtés, car j'avais encore un peu de mal à comprendre comment fonctionnait ces fameuses cartes. Je marchais donc, les muscles de mes jambes étaient engourdies par toutes ces heures de marche. J'étais fatigué, lassé. De plus, le bois était assombri par le soleil qui s'était couché. Je passais une main sur mon visage. Je sentis comme un regard qui glissais sur moi, pendant assez longtemps. Je me raidis, aux aguets. Je détestais ça. Il n'y avait pas pire qu'être observé. Je laissais un frisson parcourir mon échine, puis je tournais la tête, fouillant à mon tour les alentours. Une ombre, plus noire et plus nette que les autres, s'imposa à moi. C'était une silhouette féminine. Elle portait une robe, et ses longs cheveux bruns s'agitaient avec le faible vent glacial qui parcourait le Bois de Tulgey. « Qu'est-ce que tu fais dans mon rêve ? » me demanda-t-elle.
Je gardais le silence, me contentant de m'approcher de quelques pas. Je pouvais la laisser croire qu'elle était réellement dans un rêve, ou bien la ramener les pieds sur terre. J'allais opter pour la deuxième option. Je ne ressentais pas d'amusement à jouer avec les esprits torturés des personnes perdues qui s'étaient retrouvées ici. Je poussais un long soupir en observant l'inconnue. « Tu ne rêves pas. Tu es morte. » Je ne trouvais rien d'autre à répondre. Il valait mieux pour elle qu'elle sache où elle était tombée, elle serait peut-être moins perdue. Ma voix avait semblé forte, dans le silence du bois. Elle était froide, un peu cassante, et éraillée par des jours de silence. J'allais m'adosser contre un arbre à l'écorce dure et inconfortable. Je détaillais la femme impudiquement, frottant mes bras en même temps, cherchant un peu de chaleur. Car il faisait terriblement froid. Je me sentais tout engourdi, et je me demandais comment mes muscles faisaient pour me répondre. Le bout de mes doigts tremblait, et je constatais que certaines plaies s'étaient remises à saigner. Je serrais les poings, et mes yeux cessèrent de regarder l'inconnue, afin de fuir le regard de cette dernière.
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Sujet: Re: Two wild hearts ▲ Franciszek Sam 5 Nov - 17:07
« Two wild hearts »
Mes yeux restaient fixés sur cet homme, que je n'avais jamais vu auparavant mais dont les traits me poussaient à fouiller dans le brouillard de ma mémoire. Pourquoi est-ce que j'avais ce pincement au coeur depuis que mon regard s'était posé sur lui ? Je cherchais à me comprendre moi-même. À retrouver l'origine de tout ce cirque qu'il y avait autour de moi, en vain. Il était resté silencieux quelques minutes, s'avançant de quelques centimètres en laissant échapper un soupir de lassitude. « Tu ne rêves pas. Tu es morte. » Sa réponse avait été comme une gifle. Le genre de gifle qui vous réveille brusquement et qui vous laisse seul, au centre du monde sans même vous donner une quelconque explication. J'étais plantée au milieu de cette forêt, totalement incapable de répondre à cette réalité que l'on venait de me mettre sous les yeux. Et lentement, des flashbacks revenaient salir mon esprit, qui quelques minutes auparavant semblait amusé de cette folie dans laquelle j'étais tombée. Il y avait à nouveau ce sang dans ma tête, cette plaie à mon poignet gauche et les supplications de celui que j'avais osé oublier. Le silence était revenu s'installer sans que je n'y fasse attention et le jeune homme que j'avais abordé se retrouvait à présent, le dos contre un arbre. J'avais fermé les paupières un instant, histoire de me reprendre. Je me souvenais de tout à présent et ce pincement dans ma poitrine s'accentuait de plus belle mais, ce n'était vraiment pas le moment pour jouer les martyres. Après tout, je ne devais m'en prendre qu'à moi-même. J'étais mon propre bourreau. Un secret qui ne datait pas d'hier et qui ne comptait pas se dissiper avec le temps.
En ouvrant mes paupières à nouveau, je soupirais à mon tour. Pourquoi m'envoyer ici ? C'était quoi le but de cette connerie ? Comment avais-je pu oublier ma propre mort et marcher avec autant d'insouciance ? L'ironie se foutait de moi. Et pas qu'un peu. Je restais immobile, même si le froid avalait la moindre parcelle de chaleur que je possédais. Je reportais mon attention sur cet homme qui était face à moi. Il avait détourné les yeux. Sa désinvolture ne m'empêchait pas de continuer à le scruter de haut en bas, comme si j'explorais un terrain encore inconnu. Je ne cherchais pas à capter son attention. Je n'en avais pas besoin, non et pourtant je restais là. Sans savoir pourquoi. Je reprenais la parole, n'étant pas certaine que cela ait une quelconque importance. « Oui, c'est juste.. » Je n'avais pas la moindre envie de continuer cette conversation. Simplement car je ne voulais plus me souvenir de ce jour que fût mon anniversaire. Et puis ici, plus rien n'avait aucune importance. Non plus rien. « Est-ce qu'il y d'autres personnes dans le coin ? » Changer de sujet me semblait plus que nécessaire. Mes yeux s'écorchaient à chaque fois que je le détaillais. Il y avait quelque chose dans son attitude qui me rappellait cette chimère dont mon âme était devenue dépendante. Il m'évoquait cette personne que j'avais laissé derrière moi et une sorte de colère contre moi-même grandissait à l'intérieur dès que je me souvenais de ce que je lui avais fait. Oui, changer de sujet était définitivement la meilleure chose à faire. Tant pour lui que pour moi.
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Sujet: Re: Two wild hearts ▲ Franciszek Dim 6 Nov - 8:48
Ses yeux me transperçaient. J'avais beau avoir détourné les yeux, avoir regardé ailleurs, elle n'avait de cesse de me détailler sous toutes les coutures. C'était d'ailleurs affreusement énervant, je n'aimais pas être observé de cette façon. Quelques coups d’œils discrets passaient sans problèmes, mais cette femme là semblait vouloir fouiller mon âme rien qu'avec ses yeux. Je pensais qu'il était lâche de fuir, je redressais donc la tête, et à mon tour, je la fixais ouvertement. Sans gêne. Puis elle posa une question, mettant enfin un terme à ce jeu de regards, que je trouvais ma foi fort inutile. Mais elle devait bien avoir une raison de me fixer comme ça. Car on ne fixe pas n'importe qui n'importe comment, et surtout pas moi. « Est-ce qu'il y a d'autres personnes, dans le coin ? » Je ne répondis pas tout de suite, je ne savais pas exactement si nous étions nombreux. Mais il y avait d'autres morts, ils erraient eux aussi. Comme moi. Comme l'inconnue. Nous étions toutes des âmes en peine. Nous errions, mais sans but. « Oui, il y en a d'autres. » Et ces autres étaient les bienvenus. Ils coupaient de la solitude, ils chassaient les fantômes du passé et du présent. C'était de présences que nous avions besoin, dans ce monde. Mais je n'en voulais pas, de tous ces gens. Qu'ils restent donc à s'aider entre eux. Je ne voulais pas qu'on me tende la main, je voulais me débrouiller seul.
Et ce froid. Ce froid qui n'arrangeait rien. J'avais l'impression que mon corps était un bac à glaçons, et qu'à l'extérieur aussi, il y avait des glaçons qui m’entouraient à la manière d'un halo. C'était une sensation assez détestable. Je reportais mon attention sur la jeune femme, car elle m'observait en me donnant l'impression qu'elle me connaissait, quelque chose comme ça. J'essayais donc de me souvenir si j'avais rencontré une femme comme elle de mon vivant. « Comment t'appelles-tu ? » Demandais-je de cette même voix cassée et froide. Car savoir son nom me dirait peut-être si je l'avais déjà croisée quelque part, si nous avions déjà eu une liaison – à vrai dire je ne me souvenais d'aucune de mes anciennes petites amies, c'était sans regrets pour elles, d'ailleurs. Je plongeais mes mains dans les poches de mon pantalon, ma lèvre inférieure tremblait sous le froid hivernal. Comment allais-je bien pouvoir survivre, cet hiver, quand la neige tombera pour de bon, chaque flocon serait comme un clou de glace que l'on enfoncerait dans mon corps maigre. Enfin bon, peut-être que l'hiver qui approchait à grands pas me tuerait pour de bon, et j'emporterais le mauvais souvenir du Pays des Merveilles avec moi. Je songeais donc que j'avais hâte aux prochaines semaines à venir. Car ce serait la fin. La vraie fin de mon histoire.
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Sujet: Re: Two wild hearts ▲ Franciszek Dim 6 Nov - 17:18
« Two wild hearts »
Je n'avais pas pour habitude de porter attention aux personnes que je rencontrais. Non, vraiment ce n'était pas mon genre mais cette rencontre là me touchait bien plus que les autres. Certainement car il y avait cette étrange ressemblance physique. J'en étais perturbée et cela devait certainement se voir, vu le regard insistant que je lui portais. Cependant, je tentais de garder mon calme. Après tout, qu'est-ce que cela pourrait bien changer pour moi ? Si ce n'est qu'il y a cette douleur doucereuse qui s'étend à l'intérieur depuis quelques minutes à présent. Je reprenais mes esprits et cessais de le regarder de façon aussi délibérée. Fixer les gens qui m'intriguaient, avec autant d'insistance était une mauvaise manie dont je n'étais jamais parvenue à me défaire. J'étais consciente que cette attitude rendait les gens mal à l'aise mais je n'en avais strictement rien à faire. La désinvolture que je ressentais face au monde n'était pas réellement définie ou limitée. Du plus loin que je me rappelle, elle avait toujours été présente. Même après ma mort, elle était toujours ancrée en moi. « Oui, il y en a d'autres. » Alors comme ça, nous n'étions pas les seuls. J'avais toujours pensé qu'après la vie, il n'y aurait que le néant. Opaque et indifférent face à la peur des hommes, face à l'homme tout court. Mais à la place, j'étais tombée dans la sombre euphorie du Pays des merveilles. Il n'y avait rien de logique dans ce fait mais c'est sans doute l'endroit le plus approprié pour moi. Vu que je ne suis jamais rentrée dans ces catégories que la population a créée. Dans la logique qu'ils ont définie.
Plus les minutes s'écoulaient et plus le vent glacial venait torturer ma peau. J'essayais de ne pas y penser mais ce n'était pas réellement chose facile. Je croisais les bras, histoire de me réchauffer même si je savais pertinemment que cela ne changerait rien. Tout en regardant dans le vide, sans réel point fixe, je me demandais depuis combien de temps il errait dans les parages. Je n'étais tombé que sur lui pour le moment et ce n'était peut-être pas un mal, de ne pas en avoir vu d'autre. Je n'étais pas le genre de personne à qui l'on parlait. Simplement car parler n'était pas une chose que je savais faire parfaitement et puis je n'en voyais pas l'intérêt. Sa voix stoppa mes pensées, elle semblait usée. Fatiguée même. « Comment t'appelles-tu ? » Une question des plus classiques mais qui m'avait toujours semblé dérangeante sans raison précise. Dans mon passé, les gens qui m'étaient le plus proche m'appelaient par mon premier prénom. Hyde. Tout simplement mais cet univers-là n'était plus. « Cryst suffira. » Oui Cryst suffirait amplement. Je me demandais si il y avait une maison dans les environs, un endroit dans lequel je pourrais passer la nuit mais je ne voyais pas la fin de ce bois, je ne me rappelais même plus de son commencement. J'ai la sensation d'avoir marcher durant des heures et des heures. Mes muscles commençaient à trembler de rester immobiles et je culpabilisais d'avoir stoppé cet homme dans sa marche. Surtout s'il avait aussi froid que moi. « Et toi, comment tu t'appelles ? Au fait, désolée si j'ai arrêté ta marche. C'est juste que tout ça ne me semblait pas réel. » C'était sincère, je lui faisais certainement perdre son temps, peut-être qu'il devait se rendre quelque part et franchement qu'est-ce qu'une inconnue comme moi pourrait lui apporter ? Surtout que j'étais totalement perdue. Je réfléchissais à l'après, lorsqu'il sera parti et que je devrais continuer ma route vers un quelconque abri.
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Sujet: Re: Two wild hearts ▲ Franciszek Mar 8 Nov - 17:24
Cryst. Elle s’appelait Cryst. Son prénom ne m'évoquait absolument rien, je ne voyais pas du tout qui cela pouvait bien être. Je tentais cependant de me rappeler, cherchant dans les recoins de ma mémoire, dans mes souvenirs embrumés. Mais rien ne venait. Peut-être étais-je le fruit de son imagination débordante ? Elle avait bien dit qu'elle rêvait. Alors, j'avais du exister dans l'un de ses rêves. Mais j'estimais plutôt ma présence cauchemardesque, étant donné que j'étais loin d'être la personne la plus agréable. Elle parla de nouveau- ils étaient bavards, les gens, dans ce pays. « Et toi, comment tu t'appelles ? Au fait, désolée si j'ai arrêté ta marche. C'est juste que tout ça ne me semblait pas réel. » Je la fixais en silence. Je la comprenais, quand elle disait que ''tout ça ne lui semblait pas réel.'' Car oui, rien n'était réel, ici. L'on hésitait sans cesse entre le rationnel et l’irrationnel, on tanguait entre le vrai et le faux, entre le réel et le fantastique. Même les rochers, ici avaient quelque chose de vivant. Rien n'était comparable à notre passé. Si tous les morts atterrissaient ici, les religieux seraient étonné de ne pas être aux côtés de Dieu, car quelle que soit la mort, l'on finissait ici. Et nulle part d'autre. « Franciszek. » J'insistais bien sur le prénom, afin de séparer le Francis du Zek. Ils avaient du mal à retenir mon prénom, c'était tout à fait compréhensible. Mais même moi pour qui l'anglais de base n'était pas ma langue maternelle, je faisais des efforts pour retenir leurs prénoms. Eux non, jamais.
Je fixais la femme brune, silencieux. « Pourquoi tu me détailles comme ça, depuis tout à l'heure ? » La question avait fusée, presque à mon insu. Mais je ne regrettais pas de lui avoir posé ceci. Autant que je sache directement ce qu'elle me voulait. Et puis, je n'étais pas du genre à tourner des heures autour du pot. J'espérais qu'elle ne m'envoie pas balader. Et puis, c'était lâche de se dérober, non ? J'étais presque pressé, qu'elle me réponde. Car c'était déroutant de se sentir observé. Je n'aimais pas cela. Je posais un regard froid sur elle, frissonnant à cause de l'air glacé. J'étais vraiment frigorifié. Si je ne mourrais pas de faim, je mourrais sûrement de froid. Peut-être que dans ce prétendu village dont on m'avait vaguement parlé, il y avait de quoi s'abriter et se réchauffer. Car mourir de froid n'était pas la mort la plus souhaitable, la plus glorieuse, et la plus agréable. Non, je ne désirais pas spécialement mourir en héros, mais je préférait succomber rapidement. Et le froid était patient. Pas moi.
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Sujet: Re: Two wild hearts ▲ Franciszek Mer 9 Nov - 14:41
« Two wild hearts »
Franciszek. Son prénom avait une consonance slave que j'avais facilement reconnu. Je devinais, à la façon dont il l'avait prononcé, qu'il était étranger. Ce n'était pas difficile à comprendre, même pour une britannique pure. Il me fixait, toujours avec ce même silence qui semblait lui appartenir et ça ne me dérangeait pas. Ses yeux aussi tranchants soient-ils ne feraient pas baisser les miens aussi facilement. Je soutenais donc son regard aussi froid que le vent qui parcourait ces bois, en repoussant mes souvenirs jusqu'au paroxysme. Comment pouvait-il autant lui ressembler ? Je haïssais cette situation, ce face à face qui me scarifiait le cerveau avec les rasoirs du remord. Mon instinct me disait de fuir cet homme, le plus loin possible mais j'étais incapable de faire le moindre geste. Trop occupée à me torturer l'âme avec les chimères que j'avais moi-même meurtri. « Pourquoi tu me détailles comme ça, depuis tout à l'heure ? » C'était la question à laquelle je ne voulais pas répondre. Nouveau blasphème irritant. Il s'aventurait sur un terrain glissant mais je n'avais pas l'intention de fuir lâchement. L'expression de mon visage s'était transformée, L'agacement m'envahissait brutalement. Ce n'était qu'une simple question, je concentrais mon attention sur le froid qui circulait dans mes veines, soulageant la douleur. Extirpant l'effroyable vérité sur ce que je ressentais vraiment. Je préférais faire semblant, me croire dans ce rêve dans lequel j'avais cru être au début. C'était plus simple d'avancer aveuglement, avec insouciance. Je n'avais pas peur de mourir, je n'avais pas peur de la solitude. Cette bulle de silence resterait toujours mon sanctuaire. J'en été parfaitement consciente. La vanité de se prétendre fort alors que l'intérieur est faible est une stupidité que je ne veux pas adopter. Je préférais l'indifférence, le déni total.
Je cessais de le regarder avec ce mépris, qui au fond ne lui été pas destiné. Il n'était qu'un inconnu, une illusion que mes chroniques désiraient attraper. Le reflet d'un fantôme que je laisse glissé dans les limbes de mes propres enfers. Je soupirais de lassitude, pourquoi est-ce que la vie s'obstinait à me hanter ? Je m'avançais vers lui, de façon à ce que la distance de nos regards ne se résume qu'à une vingtaine de centimètres. Je n'avais pas voulu l'agresser avec mes regards, je n'avais aucun intérêt à jouer à ces jeux stupides. Je m'en foutais, oui et le silence aurait été ma seule réponse à sa présence, s'il n'était pas aussi proche de celui qui m'animait autrefois. Il devait certainement me prendre pour une de ces psychopathes qui courent après leur victime. Seulement, je n'étais rien de tout ça. Je n'étais qu'un spectre transparent dans son existence, une ombre égarée que le hasard a mis sur son chemin et l'histoire s'arrêtait là. Dans cet espace, totalement vide de son, je réfléchissais tout en observant son indifférence constante. Soit je partais en silence, ne lui laissant en souvenir qu'une image floue, qui finirait par s'effacer avec le temps. Soit je restais là. Présente. Avec ce sentiment insensé qui s'appropriait chaque particule de mon corps abîmé. Et je lui répondais. L'inconscience m'a poussé à choisir la deuxième option. Oui, j'allais certainement m'en mordre les doigts plus tard mais quelle importance cela avait ? J'étais déjà morte. Un cadavre déambulant dans la démence. « Tu ressembles à quelqu'un. Quelqu'un que j'ai laissé derrière moi. » Je déliais immédiatement mon regard du sien dès que ces mots furent prononcés et j'avançais à nouveau, me foutant bien de savoir s'il me suivrait ou non. J'oubliais ce court instant où l'empire de mes contradictions s'était brisé sous l'amertume de sa considération. Après tout, tout cela n'était pas réel.
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Sujet: Re: Two wild hearts ▲ Franciszek Lun 14 Nov - 16:35
Je pouvais lire l'expression de son visage, et constater qu'elle était agacée, agacée par ma question, sûrement. Qu'elle soit donc ! Je m'en fichais royalement. Je m'entourais de mes longs bras, me frictionnant le corps afin de lutter contre ce froid incessant qui me mordais la peau. J'en avais assez de ce monde. Je ne savais pas combien de temps cela faisait que j'errais ici. J'étais tout à fait comparable à une âme en peine, car je repensais sans cesse à des personnes chères, à un passé qui me paraissait très lointain. Et il y avait ce sentiment de solitude qui me tombait dessus tout le temps. Il fut un temps où j'aimais ce sentiment. Où je désirais la paix, et être loin des autres et de leurs bavardages incessants. Mais ce temps-à était révolu. Ici il fallait se serrer les coudes pour échapper à la mort et au danger. Accepter que quelqu'un nous tende la main, sans avoir quelque chose à rendre en échange. « Tu ressembles à quelqu'un. Quelqu'un que j'ai laissé derrière moi. » La jeune femme répondit alors. Je levais mes yeux vers elle, et mes bras cessèrent de frotter mon corps pour venir pendre à mes côtés, à la fois inutiles et inertes. Lorsqu'elle me donna cette réponse, je cherchais à nouveau dans mes souvenirs. Car si je ressemblais à quelqu'un, cette femme devrait m'évoquer quelque chose. Mais non, il n'y avait rien. Un vide total. Un néant qui n'avait ni début ni fin. Depuis que j'étais ici, ma mémoire me laissait souvent tomber dans un abîme profond. C'était une chute interminable qui consistais à partir à la recherche de souvenirs, de mémoires perdus.
« Tu appréciais cette personne ? » lui demandais-je alors, d'une voix neutre. Il n'y avait ni chaleur, ni froideur dans ma voix. J'appréciais poser des questions, en savoir beaucoup en peu de temps. Mais pour Cryst, pauvre inconnue dans ce nouveau monde, cela devait être fort déroutant de tomber sur individu comme moi, qui plus est ressemblait à quelqu'un qui avait habité le passé de cette jeune femme. Je voulais savoir si elle appréciait cette personne, car si jamais elle l'avait haïe au plus haut point, je ferai demi-tour, et partirais en quête de ce village dont on m'avait vaguement parlé. Car je ne voulais pas perdre mon temps à discuter avec quelqu'un qui n'avait aucune sympathie pour moi, juste parce que je lui évoquais de sombres souvenirs. Et cela m'arrangeait de passer mon chemin, car mes muscles se remettraient en marche, et la chaleur avec, je l'espère.
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Sujet: Re: Two wild hearts ▲ Franciszek Mar 15 Nov - 11:53
« Two wild hearts »
C'est fissurée. Complètement détraqué. Hors d'usage. Froissé par la destruction mentale d'une âme couverte de cicatrices. Il n'y avait aucun intérêt à ce que je m'attarde sur le sujet. Je ne voulais pas flancher maintenant, alors que je ne savais pas ce que je foutais ici, que je devais commencer à prendre mes repères. Ce n'était pas le moment, ce ne serait jamais le moment. Et pourtant, je ne pouvais m'empêcher de penser, de retomber dans cette torpeur temporelle que les traits de ce jeune homme m'inspiraient. Ce n'était pas de sa faute, j'en été consciente. Il n'avait rien à voir avec mon passé mais il y avait quelque chose qui nouait ma gorge depuis que je l'avais rencontré et ce quelque chose me rappelait à quel point j'avais été idiote. Comment est-ce que je pourrais survivre dans un endroit comme celui-ci ? Avec des souvenirs si brûlants que j'avais l'impression que ma chair se consumait sous leurs caresses. Ma voix s'était éteinte, mon assurance à continuer ma route dans ce monde délirant aussi. Qu'est-ce que ça changeait, si je mourrais une deuxième fois ? Si j'étais condamnée à vagabonder dans ces lieux..
« Tu appréciais cette personne ? » Si je n'aurais fait que l'apprécier, cela aurait été plus simple. Tellement plus simple mais la brutalité de la réalité voulait que ça ne l'était pas. J'avais hésité, une nouvelle fois, à lui répondre. Je savais qu'en parler était comme remuer le couteau dans la plaie. C'était faire face à toute la douleur que j'avais pu commettre. Mais comme je ne cessais pas de me le répéter, tout ceci ne servait à rien et n'avait plus aucune importance. « Assez pour nous détruire tout les deux, j'imagine. » Les mots m'avaient échappé, comme si c'était une évidence que personne ne pourrait éviter. J'ai aimé si fort, que l'amour ne se résumait pas qu'à ce sentiment platonique qu'ils décrivent dans les livres. Mon amour n'avait rien avoir avec tout ces clichés formatés par une société bien rangée. J'avais aimé dans l'excès, jusqu'à mourir. Jusqu'à haïr. Jusqu'à détruire. Jusqu'à vivre dans ce paradoxe démesuré que personne ne comprendrait certainement. Je me rappelais qu'il disait « On vit d'amour pur éclaté. » Il avait raison. Ce n'était simplement pas descriptible et une tristesse étrange était en train de naître en moi à cette pensée. J'étais partie, trop loin pour qu'il m'accompagne. Et je savais qu'il avait cette force que je n'avais pas. Il n'avait pas le droit de mourir et puis il m'en avait fait la promesse. Je me perdais dans ces pensées malsaines qui ne faisaient que saccager l'assurance de mes respirations. Je venais à peine de rencontrer Franciszek et il touchait déjà les points les plus sensibles de mon existence sans même s'en rendre compte une seule seconde.
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Sujet: Re: Two wild hearts ▲ Franciszek Lun 21 Nov - 16:59
« Assez pour nous détruire tous les deux, j'imagine. » Cette réponse pouvait sembler vague, et ne pas avoir vraiment de sens. Mais pour moi, cette réponse en disait beaucoup. Quel autre sentiment que l'amour peut détruire quelqu'un ? Bien sûr, il y la haine, son contraire. Mais sinon, aucun autre sentiment ne peut détruire une personne, la consumer parfois à grand feu, parfois à petit feu. C'est une douloureuse épreuve que l'amour. Ce mot est grand, ce mot est fort. Ce mot est trop fort pour moi. Moi, je n'ai connu que l'amour d'un frère. C'est le seul, le vrai. C'est celui qui ne détruit pas, qui pousse à trahir, mentir, parfois fuir. Mais il pousse à protéger, à aimer, à prendre soin de l'autre. Quelles que soient les circonstances. Il y a eu le faux amour de ma mère. Un amour qui me semblait superficiel. Car il était nourri par des intentions, des gestes, des paroles purement inutiles. Pourquoi jouer la comédie ? Pourquoi dire des choses qu'on ne pense pas ? Des choses que l'on regrettera dans le futur ? Je sens mon cœur qui se serre. Il se serre pour toutes ces années gâchées. Pour une enfance mal vécue. Car le premier chapitre de ma vie, c'était mon envol vers l'Irlande. Rien que toi et moi, Kasper. Rien que tous les deux.
Parce que oui, lui et moi, on s'était fait le serment silencieux de ne jamais se séparer. Il n'y avait qu'à se regarder l'un dans l'autre. Qu'à échanger quelques paroles. Il y avait quelque chose de fort, entre nous. Quelque chose de si fort, un lien qui semblait être impossible à briser. Semblait. Car dans ma chute éternelle, j'ai emporté avec moi le protecteur de Kasper. J'ai emporté ce serment. J'ai trahi, menti, fuit. Comme un lâche. Mais je me demandais bien ce que je pouvais être d'autre. J'étais indigne. Car j'avais juré d'être là, pour toujours. Résultat ? Je m'en vais. Pour toujours. Comme un lâche, un bandit au cœur éclaté par la vie.
La mort est-elle donc plus paisible ? J'observe la femme, les yeux plissés. Non. Il n'y a qu'à la regarder pour constater qu'on est encore plus paumé qu'avant. Il n'y a aucun avantage à vivre qu'à mourir. « Comment t'es morte, Cryst ? » Point sensible. Question qui faisait défaillir bien des personnes. Je m'en fichais royalement. Ce qui comptait, c'était en savoir plus, se renseigner. Être curieux, odieux, indiscret. Mettre l'autre dans le malaise. J'aimais ça. Cela me ressemblait tout à fait. Mais ça ne plaisait jamais.
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Sujet: Re: Two wild hearts ▲ Franciszek Dim 27 Nov - 16:47
« Two wild hearts »
Les chimères de l'amour. Ces illusions qui vous vole le cœur dans l'unique but de le faire vivre à tel point qu'il s'en retrouve mourant un jour ou l'autre. Ce rêve n'existe pas sans douleur. Il y a un prix à payer, des larmes à donner en gage de.. De quoi au juste ? J'avais pour habitude de considérer ce sentiment comme inutile et masochiste. Certainement qu'il l'est et pourtant j'aurais tout donner à l'heure actuelle pour revoir celui qui a su le créer en moi. Une dépendance nocive s'était installée entre son regard et le mien et la tendresse qu'il n'avait jamais réussi à montrer à une autre personne que moi laissait un vide sur ma peau. La réalité, c'était que sans lui, je redevenais cette orpheline qu'il avait rencontré. Je redevenais ce néant humain, ce fantôme déchiré par l'incompréhension. Il m'avait laissé entrer dans son âme pour je ne sais quelle raison et j'y avais trouvé ma maison. Il avait beau être craint et détesté, exclu par la société, je savais que ses apparences n'étaient que les cicatrices de son passé. Je n'avais pas peur d'avoir froid dans ses bras, j'avais juste peur qu'il ait froid dans les miens. C'était mélancolique, les souvenirs me berçaient dans une douce torture. Je ne comprenais pas pourquoi il avait fallu que je meurs pour comprendre que mes souffles n'étaient destinés qu'à cette histoire ? Ma vie d'orpheline m'avait appris à ne compter sur personne, à ne rien attendre de quiconque. L'indépendance était devenue ma loi mais il avait tout saccagé. Il avait détruit ma liberté inconditionnelle et j'avais encore l'odeur de son sang sur les mains. Ses mensonges avaient transpercé ma chair et je n'avais pas protesté. Même pas une seule fois car il y avait cette dépendance que je n'ai jamais comprise. Cette dépendance qui me tenait prisonnière de ses songes. Et qui rendait son absence infernale. J'avais fui la vie, je suis partie comme une voleuse en ne lui laissant qu'un chagrin amer. Je lui avais menti sur mon état. « Je vais bien tu sais. Je ne te laisserais jamais. » Jusqu'à ce jour où mes dix-neuf années ont sonné et où mon sang a signé la fin de mon existence sur Terre. Je n'avais que le souvenir de ses larmes auquel m'accrocher. Quel enfer aurait pu être pire que celui-ci ? J'avais besoin de le supprimer. De l'éteindre à jamais mais en ayant quelqu'un en face de moi qui lui ressemble invraisemblablement, l'opération s'avérait carrément plus difficile. Voire impossible.
D'ailleurs, je me rendais compte que le total inverse se produisait. Mes pensées s'aventuraient dans la luminescence de mes psychés et m'empêchaient de déchirer cette page le concernant, pour ensuite la jeter dans le feu brûlant de ma rage. Ce n'était pas un manque de courage mais je savais qu'en le reniant de ma mémoire, j'allais renié la dernière parcelle d'humanité qu'il me reste. Je n'avais pas été capable de tenir cette promesse que nos âmes avaient inscrit dans le ciel. Nos mains ne tenaient plus ensemble et aujourd'hui, j'étais égarée dans un espace incohérent. Dans un espace où j'étais seule. Entièrement seule, comme au début. La couleur de ma peau se perdait dans la limpidité de l'inutile et c'en été aussi désolant qu'une marche funèbre. Toute cette fatalité disparaissait sous l'échine de mon indifférence. Dans mes yeux, il n'y avait plus que la nébulosité constante du néant.
« Comment t'es morte, Cryst ? »
Mes yeux s'attachaient à ses iris lorsqu'il prononçait cette phrase. Ils semblaient si clairs pour des apparences aussi sombres. Je réfléchissais à sa question. Suicide est le premier mot qui m'est apparu à son écho. J'avais voulu finir ma vie , comme on souffle sur une bougie. Les raisons sont confuses et se noient dans des paradoxes inexplicables. Les raisons ne m'intéressaient pas. J'avais éteint mes souffles, aussi simplement que d'autres les perdaient ici et là. Parler de ma mort ne me faisait pas reculer. C'était parler de ma vie passée qui faisait sombrer mon esprit dans la maladie. Ma mort n'avait aucune importance vu que c'est moi et moi seule qui avait décidé de la finir. C'était mon choix. Peut-être le seul qui me faisait payer les conséquences à présent. « Je me suis ouverte les veines, le jour de mon anniversaire. » Ma voix n'avait pas vacillé, mes yeux ne s'étaient pas détournés. Rien à l'intérieur ne me faisait souffrir. J'avais conscience de ma fin, puisque j'en avais été maîtresse. De toute façon, depuis que j'étais arrivée en ces lieux, l'insensibilité été devenue ma protection, incassable. L'absence de peur est la seule crainte que je devrais avoir et pourtant ce n'est pas le cas. « Je te retourne la question Franciszek. »
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Sujet: Re: Two wild hearts ▲ Franciszek Mer 30 Nov - 12:16
Elle devait regretter amèrement de s'être suicidée, parce qu'au fond de moi, j'étais persuadé que ce monde-ci était bien pire que celui d'où elle venait. Enfin bon, elle devait sûrement avoir de bonnes raisons pour avoir choisi la facilité. Car pour moi, il était lâche de ne pas regarder la vie en face. Et se défiler, c'était bien trop simple. Je restais impassible face aux paroles de Cryst, vidé d'émotions. J'espérais qu'elle ne s'attende pas à ce que je lui donne un peu de compassion, ou pire, que je la regarde avec une once de pitié dans les yeux. Tout ce que je pensais, c'est qu'elle avait du s'armer de courage pour s'ouvrir le poignet. Elle me fixait droit dans les yeux. « Et ça t'a plu, comme cadeau ? » je lui demandais, d'un ton affreusement ironique. Nombre de gens auraient pu se vexer face à cela, être affreusement blessés, aussi. Mais face à moi, il ne fallait pas s'attendre à ce que je montre un peu de tendresse, que je sois aimable. C'était trop demandé. Je n'étais pas dans mon jour, je ne voulais pas faire d'efforts. Je n'en ferait donc pas. « Je te retourne la question, Franciszek. » Je m'étais préparé à ce qu'elle me la renvoie, cette fameuse question, et il était tout à fait normal que j'y réponde. Bien heureusement, le souvenir de ma mort s'était un peu atténué au fil des jours passés dans ce trou, et le fait d'y penser me rappelait seulement l'écho d'une douleur, et d'une lourde perte. Cela me pesait sur le cœur, évidemment. « Accident de la route sur voie ferroviaire. Je t'épargne les détails. » marmonnais-je. Qu'elle ne me demande pas de précisions, je ne répondrais pas. Je ne voulais pas m'étendre sur ce sujet, c'était bien trop douloureux, bien trop personnel, et je ne voulais pas que les plaies du passé se rouvrent.
Je nous revoyais, un peu fous, un peu inconscients. Moi le pied sur l'accélérateur, les yeux fermés. Les yeux fermés parce que je lui faisais confiance. Une confiance aveugle. Jamais, jamais je n'avais placé mon âme dans les mains de quelqu'un, comme je l'avais fait avec Kapser. Et parce que lui aussi me donnait la sienne, je me permettais de lui rendre la pareille et de le protéger comme il se devait. Comme un grand frère.
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Sujet: Re: Two wild hearts ▲ Franciszek Dim 4 Déc - 22:07
« Two wild hearts »
Je savais à présent qu'une seule et unique personne était capable de changer le cours d'une existence. Malgré tout mes principes, malgré cette indifférence qui coulait dans chacune de mes veines, il avait réussi et c'était la seule raison qui me rappelait mon erreur. Impossible à rattraper cette fois. Je me retrouvais au beau milieu de nulle part, à faire la conversation avec un homme que je ne connaissais pas. Dans le monde des vivants, j'aurais certainement passé mon chemin. Aveuglée par ce qui me faisait respirer à cette époque mais soyons bien clair, cette époque n'était plus et d'une certaine façon, je me devais de faire le deuil, de dire adieu à cette femme que j'étais avant, avant de m'enfoncer dans la folie incurable d'une jeune fille certainement aussi perdue que nous le sommes. Le paradoxe de mes respirations s'était résumé à ne considérer ni la vie, ni la mort. Cela n'avait aucune importance et moi aussi, je n'en avais aucune. J'écoutais le vent se perdre dans les bas fonds de cet univers. Si on l'écoutait bien, on pouvait y percevoir le cris des hommes enchaînés par leurs regrets. Est-ce que mon regret hurlait aussi fort ? Ou bien est-ce que mon silence parlait pour lui ? Question stupide et pourtant, je n'étais pas certaine de trouver sa réponse. « Et ça t'a plu, comme cadeau ? » L'ironie de sa voix avait attisé mon attention. C'était plutôt osé de dire ça à une inconnue dont les réactions étaient imprévisibles. Un rictus amusé s'était emparé de mes lèvres. J'aurais sans doute du lui dire de modérer ses propos, qu'il n'était personne pour avancer de telles choses sur un ton aussi aride qu'un désert oublié et pourtant j'ai continué à sourire légèrement. Je n'étais pas ce genre de personne à monter sur ses grands chevaux. Pour me blesser, il fallait y aller beaucoup plus fort qu'avec les mots. Peut-être que cela aurait marché, si j'aurais encore eu un cœur. « Tu ne peux pas savoir à quel point. » soufflais-je avant de regarder à l'horizon. Il faisait toujours aussi sombre et la chaleur semblait s'être volatilisée, tout comme la vie. Tout était mort ici.
Le cliché habituel. L'amertume du passé qui nous hante, certaines illusions que l'on prend pour des souvenirs réchauffent ce qu'il reste de notre cadavre et ensuite ? Il y aura toujours quelque chose, quelque part qui fera que l'on se plaint. La banalité de l'Homme me rendait fugitive. Misanthrope incomprise. Je reculerais toujours face aux stéréotypes et mes antipodes vexeront toujours les plus orgueilleux. Et moi, cela me faisait rire. La solitude était ma solution, ma thérapie. C'était mieux ainsi. Je ne voulais pas devenir ce spectre, assoiffé d'imparfait. Avancer, déchirer les songes malades de ma mémoire, voilà tout ce que je désirais accomplir. « Accident de la route sur voie ferroviaire. Je t'épargne les détails. » Violent, voilà ce que je m'étais dit intérieurement. Son « je t'épargne les détails » indiquait clairement son irritation. Je décidais de ne pas continuer dans cette voie, après tout parler de la mort de quelqu'un n'était pas quelque chose qui rentrait dans les normes. Mort était forcément synonyme de souffrance pour certaines personnes et même si je n'étais pas de cet avis, je savais respecter les choses. Voie ferroviaire. À chaque fois que j'entendais ceci, je repensais à un moment de la vie de Kurt Cobain. Une stupide histoire qui m'avait pourtant marquée. Un soir, il s'était saoulé et drogué. Il marchait le long d'une voie ferrée et il s'est allongée sur les rails, pour attendre le train qui devait passer à l'heure suivante. Lorsque le train en question est passé, il est passé à côté des rails sur lesquels il était allongé. J'avais cette sensation, d'être sur les rails d'à côté sans ma raison de vivre. Prisonnière d'un cycle répétitif. J'aurais préféré le néant. « T'es toujours comme ça ? Aussi distant ? » Non pas que ça me dérangeait, au contraire. Je me disais simplement que la plupart des gens auraient été ce genre de personne avec un faux sourire sur les lèvres, juste pour sauver les apparences. L'hypocrisie comme flambeau. Et je trouvais ça pathétique.
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Sujet: Re: Two wild hearts ▲ Franciszek Jeu 8 Déc - 18:03
J'avais observé son rictus amusé, et la déception s'était faite visible sur mon visage. Elle n'était même pas vexée. Je la fixais donc avec grande attention, la détaillant, tentant de comprendre ses réactions. J'avais vraiment l'impression de me retrouver face à une morte. Silencieuse, sans émotions, et d'une froideur qui égalait la mienne. « T'es toujours comme ça ? Aussi distant ? » me demanda-t-elle. Et c'était une très bonne question. Car j'avais un caractère qui dérangeait, une façon d'être qui bien souvent ne plaisait pas. Comme la plupart des gens ici, j'étais sous l'emprise de chaînes qui à chaque pas se resserraient afin de m'étouffer dans une marée de souffrance et de peine. Et pourtant, c'était sous ma carapace de glace et mes railleries que je me cachais. Mais c'était loin d'être d'un genre que je me donnais, je m'étais forgé ainsi, c'était tout. Et j'avais eu tendance à ''façonner'' mon frère de la même façon. Je ne savais pas que répondre. Non, je n'étais pas vraiment distant, vu que je montrais un peu d'attention à cette fille, et même une once de curiosité. Venant de moi, c'était déjà beaucoup. Je résistais à l'envie de lui répondre un peu méchamment, continuer à faire mon iceberg ambulant. Car oui, m'adresser la parole, c'était bien souvent se frotter à un mur de glace. « Si ce n'est toujours, c'est la plupart du temps. » marmonnais-je dans le silence nocturne.
À présent, mon désir le plus cher était de me laisser tomber dans un sommeil. Un long sommeil doux et chaud. Car je voulais m'échapper de ce monde, m'enfuir de ce cauchemar vivant. Car dans ce monde, tous ceux qui s'y trouvaient, et tous sans exception, erraient sans but. Je fermais les yeux un instant, puis portais de nouveau mon attention sur Cryst. « Pourquoi cette question ? Qu'est-ce que ça t'apporte de savoir si je suis toujours distant, toujours comme ça ? » Je me renfermais de nouveau sur moi même, employant un ton froid et cassant. Un ton qui ne voulait pas discuter, qui désirait qu'on lui fiche la paix. Même si j'étais soulagé de voir que je n'étais pas seul dans ce monde de démence, cela ne m'empêchait pas d'être celui que j'avais toujours été. Ça ne l'empêcherait jamais.
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Sujet: Re: Two wild hearts ▲ Franciszek Dim 18 Déc - 1:50
« Two wild hearts »
Mon enfance a été bercée par le vide, dans lequel la solitude est devenue mon ombre. Elle capturait chacun de mes souffles, pour les laisser disparaître dans des abîmes que les hommes ont oublié. Est-ce que je devais ressentir de la tristesse par rapport à cette réalité ? Je n'en savais rien. Je n'avais jamais su ce que cela fait d'avoir une famille, d'être protégée et ce manque a crée l'abysse de cette pierre que j'ai à la place du cœur. Une révolte silencieuse s'était mise en place sous mon regard aveuglé par l'habitude. Je comprend de plus en plus que cette révolte qui a pris possession de mon squelette tout entier, c'est l'ignorance. L'insensibilité. J'étais devenue un simple corps, marchant dans une foule de gens trop pressés pour faire attention à cette gamine esseulée. Presque une épave brûlée par l'illusion d'un paradis qu'elle n'a jamais connu. Celui d'une mère, d'un père. Qu'importe. Au fond, une simple main tenant la mienne aurait suffit à apaiser cette orpheline, l'enfant ignorée que j'étais. « Si je suis sage, moi aussi j'aurais une maman et un papa ? » Mon enfance toute entière avait reposé sur cette question à laquelle on ne m'a jamais répondu. J'ai attendu, des jours et des jours, d'avoir cette douceur dont on m'avait privé sans que je ne comprennes pourquoi. Et l'attente m'a tué. La fragile enfant s'est endormie pour ne plus jamais se réveiller. Peut-être qu'elle se cache, au plus profond de moi. Silencieuse et éteinte. Toujours assise à cette fenêtre pour voir si son père et sa mère avaient décidé de revenir la chercher. Toujours blessée, cruellement. Par l'espoir et l'attente.
Plus tard, j'ai compris que mes espoirs ne se réaliseraient jamais. Que cette attente n'avait laissé que des lambeaux de mes rêves. La réalité ne m'a pas laissé le temps de pleurer, la réalité ne m'a pas laissé d'être cajolée par les sentiments. J'ai sauté cette étape, j'ai fui l'image de cette enfant. J'ai fui ma fragilité. Et j'ai oublié la spontanéité des sourires. J'ai laissé séché mes blessures saignantes sous le souffle de l'indifférence. La vie peut nous briser, à tel point que l'on se perd. À tel point que la déception et la haine nous noie. Je n'étais personne pour juger Franciszek à cause de sa façon d'être et je n'allais jamais le faire. Les pages de son histoire m'étaient inconnues et cela suffisait à ne pas le condamner avec des critiques non-fondées. S'il trouvait une quelconque façon de vivre en se montrant ainsi, mon jugement m'aurait rendu encore plus odieuse qu'il ne l'était et je ne voulais pas être odieuse avec lui. Certainement parce qu'il me remémorait des brides de souvenirs chaleureux et qu'il me rappelait à quel point une personne pouvait être importante dans la vie d'une autre. À quel point tout le reste n'a pas d'importance. Imperceptiblement, sa présence me faisait du bien. Mais ça, je ne voulais pas me l'avouer. « Si ce n'est toujours, c'est la plupart du temps. » Le silence environnant m'avait permis de comprendre ce qu'il avait marmonné entre ses dents. Je comprenais de part cette phrase que ce n'était pas passager, que cette façon d'être l'habitait et mes suppositions silencieuses se confirmaient donc.
Je n'avais pas répondu, ne sachant pas réellement quoi dire. Et il n'y avait rien de particulier à dire, si ce n'est peut-être que je comprenais. Cela aurait suffit. Je comprends. Ni plus, ni moins. La nuit avait envahie le pays des merveilles depuis longtemps à présent et je prenais un instant pour la contempler. La lumière du jour explosait mes rétines, je ne l'aimais pas vraiment. La nuit était plus subtile, plus dangereuse aussi mais je m'en fichais éperdument. Je levais les yeux au ciel, un peu naïvement pour y observer les étoiles. Elles étaient belles et mon cœur s'était resserré un peu plus. L'amour de ma vie connaissait les constellations par cœur et dès qu'elles s'étalaient sur le voile de la nuit, on s'allongeait à même le sol pour qu'il me les apprenne. « Pourquoi cette question ? Qu'est-ce que ça t'apporte de savoir si je suis toujours distant, toujours comme ça ? » Il avait raison de me poser cette question. Qu'est-ce que cela pouvait bien m'apporter de savoir cela ? Et pourquoi lui avais-je poser cette question ? J'avais l'habitude de négliger l'importance des gens. Je ne leur posais pas de question, je les regardais à peine. Me foutant bien de savoir ce qu'ils ressentaient. Ce qu'ils étaient et ce pourquoi ils étaient présents. Si j'avais posé cette question à Franciszek, c'était certainement parce qu'il avait réussi à capter mon attention au sein du désert hivernal qui m'habite. C'est qu'il avait réussi à m'interpeller d'une façon qui m'échappait encore. Alors que mon regard était toujours perdu dans le ciel constellé, je décidais de lui répondre. « Parce que ça m'intéresse. Ça ne m'apporte pas grand chose en soi, du moins pas encore. Mais j'ai envie de te connaître et c'est assez exceptionnel lorsque l'on me connait. Mais tu t'en fiche certainement. » Je détachais mon regard du ciel afin d'observer sa réaction. Je n'avais aucune idée de ce que cela pourrait lui faire. Pas grand chose, j'imagine vu que je n'étais qu'une inconnue de passage mais je n'étais pas ce genre de personne à mentir pour garder une façon d'être bien précise. Je parlais avec la vérité et elle ne plaisait pas toujours.