« Excuse-moi. » dit-il en lui rentrant dedans. Déjà, elle n'avait même pas compris comment il avait fait pour lui rentrer dedans. Enfin bon. Et ensuite, elle n'était pas aussi désolée que lui. Il l'avait touchée. C'était extraordinaire pour elle. Dans le sens premier. Huit semaines sans toucher personne, et là, voilà qu'une immense source de chaleur humaine lui rentrait dedans. C'était presque un choc à ce stade là. ∂ T'en fais trop là … ∂ Peut-être qu'elle en faisait trop, mais c'était une sensation absolument merveilleuse. Ou peut-être parce qu'elle avait oublié ce que ça faisait à la base. La seconde hypothèse était la plus plausible. Quoiqu'il en soit, pendant deux minutes, Wynter se mit à toucher son bras là où il lui était rentrée dedans avec l'impression que sa peau avait fondu à cet endroit là, en le regardant d'un air étonné. Pourquoi lui s'excusait-il ? ∂ Alors la Terre ! Ça fait tellement longtemps que tu vis seule que tu as oublié ce que sur Terre, dans le monde des vivants, on s'excuse quand on bouscule quelqu'un ∂ Ah, c'était donc pour ça. Voilà qui expliquait ses excuses. Pas son regard furieux sur le croisement qui s'imposait à eux. « Ils sont où, ces deux passages ? » C'était une bonne question. Ils avaient suivis les indications au point près, Wynter avait même corrigé le jeune homme deux fois de suite quand il s'avançait pour sauter quelques étapes. Voilà que sa mémoire avait servi à quelque chose. Pourtant cette allée semblait ne jamais vouloir se diviser en deux. « Prenez le plus habile des deux … » Et si cet étrange énergumène ne parlait pas des chemins mais d'eux deux ?

Prise d'un doute, elle colla son oreille de chaque côté de la haie. Il y avait deux endroits différents. Et si l'une des deux haies côtoyaient l’extérieur ? Et le plus habile des deux … Vu son état, pour le moment c'était elle. Si c'était le cas, il fallait qu'elle se concentre. Elle sortit son moulin à poivres en caressant la haie qu'elle avait choisit. Il y avait le bruit de la nuit de ce côté ci et le silence de l'autre. C'était forcement celle là. Et au bout d'à peu près cents mètres. Des branches semblaient affaiblies, comme souvent écartée. « Par ici ! » cria t-elle à Franciszek qui s'était oublié dans un coin à cause de la fatigue. De toute façon, même si ce n'était pas ça, elle était à bout de patience. Elle déchargea tout son poivre à l'endroit où se cassaient les deux branches. Avec un franc succès et un joli bruit de bois qui se rompt, un passage s'ouvrit dans la haie. Assez grand du moins pour qu'elle puisse finir de l'ouvrir à coups de pieds rageurs. Elle passa sa tête à l’extérieur. Personne à l'horizon. Et elle menait bien à l’extérieur. Elle passa complètement. « Ca y est ! » s'écria t-elle joyeusement. Et son sourire redoubla en voyant son tas de bois plus loin. Elle se retourna, Franciszek n'était pas encore sorti. « Allez, vie … aaaAAHH ! » Elle termina dans un cri quand une épaisse main l'attrapa pour la tirer en arrière. Alors qu'ils avaient réussit à les éviter, voilà qu'un garde - peut-âtre le premier qu'elle avait vu - allait les avoir maintenant. ∂ Tu portes la poisse, chérie ∂

De longues secondes passèrent sans que la silhouette de son compagnon n'apparaisse dans la brèche des haies. Voilà. C'était fini à présent. Une fois encore elle avait fait une erreur. Elle s'était fiée à la mauvaise personne. Et dire qu'elle avait vraiment pensé qu'ils pourraient être amis. Ou moins se secourir l'un l'autre. Une nouvelle erreur, la dernière …
Wynter ferma les yeux pour attendre la mort. ∂ Et c'est ici que tout se finit.∂ Et oui, c'était donc là la fin du chemin. ∂ Tu me diras, avec la tête que t'as, je l'avais venir depuis très longtemps. ∂ Ce n'était pas le moment de se disputer avec sa propre tête. Essuyer les injures avec un sourire. De toute façon, il y avait de forte chance que celle-ci soit la dernière. Pour de bon. Ou peut-être pas. Qui sait si ce qu'elle avait dit à ce gars ∂ Sale Traître ! ∂ Merci,Gertruella, en tout cas, si ce qu'elle lui avait dit se révélait être, son avenir semblait bien plus sombre que la mort ne l'était en elle-même. ∂ Youpi, ta vie se termine sur cette sombre pensée, jusqu'au bout tu m'auras fait chier, mongole ! ∂

Et la prise du garde se relâcha soudainement. Oulà. Est ce qu'elle avait fait quelque chose inconsciemment ? Est-ce qu'elle avait enfin essayé de donner une raclée à la saloperie dans sa tête. C'était impossible, elle aurait tapé quelqu'un d'autre sans même s'en rendre compte ?

Wynter ouvrit les yeux de nouveau. Non. C'était rassurant en un sens, elle ne faisait pas des choses inconsciemment. C'était Franciszek, il était venu finalement. Elle le regarda mettre en pièce le garde, littéralement. Son bras pendait lamentablement contre son bras. Elle l'avait déchargé dans la haie. Elle n'aurait rien pu faire de toute façon. Alors elle resta debout à la regarder faire dans un état second. Tout ce sang. C'était assez étrange qu'elle ne réagisse pas. Peut-être qu'elle était dans ce qu'on appelait "un état de choc", peut-être que son état conscient resurgirait plus tard. Pendant qu'elle essaierait de dormir, déjà que ce n'était pas un franc succès, maintenant elle allait être hantée par la vision du cadavre d'un garde. Géant.

« Est-ce.. est-ce que c'est terminé ? » murmura t-il tout bas. Mais il n'y avait pas d'autre bruit autour, elle l'entendit parfaitement. Il fallait qu'elle l'aide. Il en avait plus besoin d'elle qu'elle d'un auto-apitoiement. Il lui sembla que c'était une autre personne qu'elle qui marchait. Elle se laissa tomber en face de lui et prit ses mains dans les siennes. Elles étaient pleines de sang, et pas que de celui du garde. Le fait qu'il l'avait tué tout seul ∂ Comme un Grand ∂ s'imposa une nouvelle fois à elle, mais elle s'efforça de la détourner. Il lui avait sauvé la vie. « Je peux t'emmener loin d'ici si tu veux. Mais il va falloir que tu me fasses entièrement confiance. » lui dit-elle en visant le blanc de ses yeux. Elle avait bien vu qu'il ne voulait s'attacher à personne, ni faire confiance à la moindre personne en discutant avec lui. Elle ne voulait pas le forcer à quoi que ce soit. « Dis moi ce que tu veux. Je m'y tiendrais. » Pitié, laisse moi rester avec toi.

Il l'aida à se relever. Wynter lui en était reconnaissante, elle n'aurait sûrement pas été capable de se relever elle-même dans la situation présente. Ses jambes étaient encore plus raides que d'habitude, peut-être le premier symptôme du choc. Ce n'était pas elle qui avait massacré un garde avec une carte rasoir, et elle en aurait été bien incapable d'ailleurs, mais ce n'était pas pour autant qu'elle n'était pas bouleversé. Voir, et sentir, le sang la rendait bien malade, assez pour avoir les jambes tremblantes et le cœur au bord des lèvres. « Emmènes moi loin. Mais ne m'en veux pas si je ne te fais pas tout le temps confiance. Ne m'en demande pas trop, par sur ce point là... » Wynter effaça un sourire de ses lèvres. Le moment était vraiment trop mal tombé pour qu'elle se permette ça alors qu'un carpaccio de garde se trouvait à leurs pieds. Mais en tout cas ça avait marché. Elle avait bien gratter la surface de ce jeune homme. Elle avait réussit à le faire sortir de sa torpeur. Sans aller jusqu'à dire qu'elle était une fine manipulatrice, ce qui était bien loin d'être le cas, elle avait parié sur les croyances du pays des Merveilles, celle qui voulait que personne ne donnait sa confiance à un inconnu : les mots "aies confiance" étaient proscrits de toutes conversations. Même quelqu'un en état de choc devait le savoir et s'en rendre compte. Wynter le regarda dans les yeux en acquiesçant, l'ombre d'un sourire au coin des lèvres. « Bien sûr. » Elle lâcha ses mains. Enfui, lui les lâcha. Mais ça revenait au même. Bon, pour les bouts de bois qui étaient censés servir à reconstruire la toiture de la Tour, ce serait tant pis. Et puisqu'il y avait de l'eau partout à l'étage des rouages, et bien elle ne le ferait venir qu'au rez-de-chaussé et premier étage où elle s'était installé une sorte d'appartement. Le temps qu'il aille mieux. Après il pourra toujours revenir s'il le voulait. Elle espérait qu'il le voudrait.

« Alors, où tu m'emmènes ? » Elle sentit dans son ton qu'il n'était pas rassuré, qu'il voulait savoir où elle l'emmenait. Mais, même si elle avait envie de se rapproche de lui, elle n'avait pas la moindre envie de dire précisément où se trouvait son repère, et dans cette nuit noire il y avait peu de chance qu'il retrouve le chemin tout seul. C'était sûrement la meilleure chose à faire donc. « Pas très loin. » le rassura t-elle avec un sourire.

FIN