Alessia Reese Bratford.

« une petite citation. »

RACONTEZ NOUS VOTRE MORT : « Oh ta gueule Jake ! » Je lui tournais le dos pour me diriger vers la cuisine attenante. Mais, je ne marchais pas aussi droit que je l’aurais voulu. Les murs tanguent autour de moi. Il parait que je suis malade. Les aiguilles m’ont transmis cette maladie. Ou peut être que c’est le fait de coucher avec n’importe qui sans protection. Mais qu’est ce que j’en ai à foutre moi. De toute façon, il n’y a rien pour moi dans cette vie. Que la tristesse, la solitude et la désolation. A part quand je plane. Là, je vais mieux. Il me semble que tout est plus facile, et j’arrive à rire. Ou tout du moins à sourire. Les cernes sous mes yeux trahissent mes innombrables nuits blanches. Affaiblie, je cherche un paquet de cigarettes sur moi. Là, quelque part dans mon jean trop grand pour mon corps squelettique et affamé. A peine, je sors le paquet de ma poche que je sens sa main sur mon bras. Il serre si fort que je sais que ‘j’aurais une marque. Encore une. Il me force à me retourner. Il me force à le regarder. Nonchalante, je me laisse faire. Comme toujours. De toute façon, je m’en fiche. Il n’est pas le premier à lever la main sur moi, à me faire toute ces choses, à jouer avec mon corps comme si je n’étais rien de moins qu’une poupée gonflable. Mon père est passé par là avant lui. Je le fixe de mes yeux fatigués et hagards. Je le vois à peine. Je ne l’écoute même pas, sortant une cigarette du paquet. Mes mains tremblent. A croire que je suis déjà en manque. Je porte la clope à ma bouche, mais je réalise que je n’ai pas de briquet. « Réponds-moi salope ! » Que je réponde à quoi ? Je suis bien trop fatigué pour l’écouter. Ou trop stone pour participer à une conversation. Il me pousse violemment en arrière. Je sens mon petit corps venir heurter le mur froid de cette maison dégueulasse que l’on squatte depuis près de trois semaines à présent. Ma vue est trouble. Je tousse. De quoi on parlait déjà ? « Tu vas finir par comprendre qu’on a rien, on ne peut pas payer ! » On n’a jamais eu de quoi payer. Ni pour un loyer. Ni pour la bouffe. Le peu d’argent que l’on parvenait à voler, on s’en servait pour acheter nos doses et… Oh ! Voila, on n’a plus rien. Pas le moindre centime. Il veut que Dragan me passe dessus. Encore une fois. Il veut que ce soit comme ça que l’on paie cette fois encore. En nature. Mais, je ne veux pas. Pas cette fois. Je me sens bien trop fatigué. Je sais que j’ai besoin de médicament. Que peut être cela me permettra de me sentir mieux, de sentir des forces revenir dans mon corps. Mais, je ne veux pas. Je ne peux pas. Suivre un traitement reviendrait à revenir dans le système. Et un de ces cons finiraient pas appeler mon père. Mes lèvres sont gercées. J’ai soif. « Lessie ! » Je pousse un profond soupir et lève mon regard vert émeraude sur lui. « Vas te faire mettre toi si tu la veux tant ta dose ! » Il me met une gifle. Je tombe. La cigarette m’échappe des mains et roule sur le sol. Je tends la main pour la rattraper. Je sens son pied s’écraser sur mon abdomen. Je grimace de douleur et me laisse retomber. Ma main caresse des éclats de verre de la veille. Ou peut être bien plus vieux. Je sens le sang, chaud, glisser sur ma peau, réchauffer mes doigts. Jacob crie ! Je tente de rester réveiller. Je crois que ce shoot était trop fort. J’ai envie de vomir. Je me redresse. Il m’attrape par les cheveux en me criant dessus que je ne suis rien qu’une pute, et que si je ne suis même plus bonne pour cela, alors je ne lui suis plus d’aucune utilité. Comme si lui m’était d’une quelconque utilité. Je tousse. Je m’étouffe dans une quinte de toux. Il relâche ma longue chevelure rousse. J’ai envie de pleurer mais, mes yeux sont bien trop secs. Je rampe sur le sol, et attrape bientôt ma cigarette. Je la glisse entre mes lèvres et me lève. Je titube et vient me cogner contre la table en bois au milieu de la pièce vide. Je m’appuie contre celle-ci avant de repérer, au milieu des cadavres de bouteilles, un petit objet bleuté. Un briquet. Je souris tout en l’attrapant. « Bordel Lessie, tu réagis quand je te parle sale pute ?! » J’aime le bruit que fait la flamme en se réveillant. J’aime la regarder danser. J’aime la chaleur qui s’en dégage quand je l’approche de ma bouche, j’aime le gout du tabac dans ma bouche. Je souris puis, me tourne lentement vers Jacob. « Qu’est ce que tu veux hein ? Vas faire un tour dont, ça va te changer les idées, fous moi un peu la paix, j’en peux plus de voir ta gueule, ou de sentir ton odeur de rats crevés ! » Une nouvelle fois, il m’attrape par les cheveux, me tire en arrière. Surprise, je manque une nouvelle fois de lâcher ma cigarette mais, il n’en est rien. De mes dernières forces, je me retourne pour lui griffer le visage. De ma main libre, je m’empare de la cigarette pour lui en cracher toute la fumée au visage tout en hurlant. En lui hurlant ma rage, et ma colère. En criant que je veux qu’il me laisse tranquille, que je ne me sens pas bien, que j’aimerais exister moi aussi, et ne pas simplement être un jouet. J’aimerais qu’il prenne soin de moi comme il m’avait promis qu’il le ferait quand on est partis tous les deux… J’aimerais qu’il me prenne encore dans ses bras, qu’il me serre contre lui, et qu’il me murmure combien il m’aime. Comme il l’avait si souvent fait quand tout allait bien… Ou mieux. Alors, nous étions un couple. Et rien n’aurait pu nous séparer. Pas même mon père. Pas même la pauvreté ou le froid de la rue. C’était nous contre le reste du monde. Je continuais de crier, je pleurais et inspirer des bouffées de fumée de temps à autre. J’hurlais comme une folle, comme une échappée de l’asile. Je crois qu’au bout d’un moment, mes mots cessèrent d’avoir un sens. C’était simplement des cris qui s’échappaient de ma gorge, s’échappant au sien tandis que mon sang, étrangement trop liquide, s’échappait toujours de ma main blessée. Soudain, je le vis attraper une bouteille vide sur la table. Soudain, je sentis le verre froid contre ma tempe. Puis, la chaleur de mon sang qui glissait jusqu’à ma joue alors que je tombais sur le sol pourri de cette baraque à l’abandon… Je ne contrôlais plus rien. Mes mains tentèrent d’agripper son pull mais échouèrent lamentablement tandis que ma cigarette tombait là, à quelques millimètres de mes lèvres inanimées, le sang s’échappant de ma tète venant bientôt la détremper tandis que mon regard sans vie voyait les pas de mon bourreau abandonner mon corps comme s'il n'était rien de plus, dans cette pièce, qu'un énième déchet…

QUE PENSEZ-VOUS DU PAYS DES MERVEILLES ACTUEL ? : Ce monde ne peut pas être pire que l’enfer que représentait ma vie. J’ai l’impression que les gens ont peur de cet endroit, qu’ils le craignent, qu’ils s’en méfient. Pas moi. Tout m’interpelle et m’amuse. Qu’il s’agit de ces drôles de plantes, ou de ces animaux étranges. Tout m’intrigue et m’amuse. Pour rien au monde je ne voudrais qu’on m’enlève cet endroit. C’est une sensation étrange mais, je m’y sens chez moi. Je regarde ces pendules pendant des heures, passionnée par les aiguilles qui tournent à la fois si vite et si lentement. J’aime entendre battre les cœurs de la reine rouge, et lentement les écraser, un par un. La violence et l’instabilité de ces lieux ne me changent en rien de ma vie, ils n’ont sont que le reflet, en plus doux. Car je n’ai plus à supporter la maladie, la faim ou le manque, je n’ai plus à subir les coups et autres de mon père ou de Jake… Je ne dépends que de moi, je suis enfin libre, dans mon élément…

QUEL EST VOTRE ENDROIT PRÉFÉRÉ DANS CE PAYS ? : La Vallée des Larmes. Cet endroit est calme et isolé. Il y règne un climat pesant qui, bizarrement, m'apaise. J'aime m'installer entre les racines des immenses arbres, appuyer ma tète contre le tronc froid, et laisser mon esprit vagabonder...