T’as déjà vu un black-out ? Moi oui… Genre, hier. Ou était-ce il y a une heure à peine ? Le temps ne rime à rien ici, t’as l’impression qu’aujourd’hui est demain de toute manière. Tu pers de ta consistance, comme si tu avais rêvé ta vie d’avant. Car oui, tout n’est qu’une question de subconscient. Tu deviens cinglée à te demander si, ici, ce n’est pas la normalité. Parfois, je me pince, comme pour me réveiller, parfois aussi, je me griffe jusqu’au sang, l’air de dire : « Bon, debout bordel ! » Rien ne se passe. Sauf le black-out. Non pas que je trouve mon quotidien monotone mais le noir total, on s’en passe. Faut voir comme ça cafouille quand un truc qu’est pas prévu te tombe dessus. D’abord la chute, car ouais, quand c’est arrivé, je marchais, somnambule, funambule, comme ailleurs. Mon menton a rencontré le sol, mes dents ont claqué, heureusement, ma langue était à l’abri et n’a pas pris cher. Je me suis redressée, me disant que la douleur me sortirait peut-être de ma torpeur. Même pas. Alors, quand il fait nuit, le premier réflexe est de trouver une source de lumière. Je sais, c’est con, surtout qu’ici, ça n’a pas grande importance. A tâtons, voilà miss maladroite qui cherche ses appuis. Les doigts rencontrent une surface lisse, glaciale, et puis, de la pierre, du bois et d’autres trucs dégueulasses. C’est spongieux, humide, ça colle pas mal soudain. Je crie un coup. Non, je ne suis pas une trouillarde, mais l’inconnu, ça fout les jetons au premier venu. Où étais-je quand c’est arrivé ? Au château. Le seul édifice qui me rappelle ma maison. Des murs, un toit, c’est nettement préférable à tout ce bourbier au dehors.
Une porte, je la devine sous mes doigts fureteurs. La poignée cède, ici, les interrupteurs, tu peux te gratter pour en dégotter un, dans mes cauchemars, l’électricité n’existe pas… Et si, au fond, l’électricité n’existait tout simplement pas. Et voilà qu’elle s’enferre à nouveau dans ses névroses la pauvre fille. Allez, tout baigne, rien ne peut me surprendre puisque ce lieu n’est pas réel. Je sais où je me trouve, je reconnais la pièce à l’odeur. Car oui, les rêves ont une odeur… Ca vient de sortir ! La salle du trône. Vide. La Reine ? Jamais vu ! Le trône ? Bof, jamais vu non plus mais vu le volume de la pièce, il devait être sous les grandes tentures de velours que je ne distingue pas. Par contre, ma mémoire est excellente. Sous les tentures, il y des candélabres, ces trucs d’un autre temps que tu allumes avec une allumette. Problème, ais-je des allumettes ? Est-elle bête la pauvre fille. Les serviteurs du château allument des feux de cheminée. Reste à piquer un chandelier, trouver un feu et se tirer pour trouver la lumière du jour. Tout ça dans le noir le plus complet. Trop fastoche.
T’as pas idée à quel point ce machin est lourd. Surtout que je me coltine aussi ce foutu glaive et l’ombrelle sous le bras. Ouais, je sais, j’aurais pu me débarrasser de ces trucs là depuis un bon moment mais sixième sens oblige, tu t’dis que t’as plutôt intérêt à être armée dans le coin. Car oui, mes propres rêves sont effrayants… Ils ne me veulent pas que du bien. Elle est fêlée de l’intérieur la pauvre fille. Bougies allumées, chemin éclairé, je veux sortir et tant pis si je croise l’une de ces cartes de jeu. Leur lance me rappelle un cure-dent. Même pas mal. Et puis, d’une pichenette, et ils tombent sur le sol. Des cartes à jeu ne sont que des cartes à jeu. Du moins, je le suppose vu que je ne m’en suis jamais approchée de trop près. Sérieux, quelque chose ne tourne pas rond chez moi pour avoir collé ces trucs là dans mon rêve. Ca y est, je suis dehors. C’est la nuit. Je me disais bien aussi que tout serait compliqué depuis le black-out. La nuit, ce sont des bruits inconnus qui te surprennent. Y’a tout un tas de trucs qui pioncent quand toi tu vis. Y’a aussi tout un tas de trucs qui ont une meilleure vision nocturne que toi. Voilà ce qu’elle pense la pauvre fille. Tétanisée sur le pas de la porte, elle hésite. Autant rester à l’intérieur, c’est mieux.
Sauf que. Les libellules géantes existent dans mes rêves. Je viens d’en voir une. Sa tête est plus grosse que la mienne. Bonjour le choc. Je recule, je lâche le chandelier. De surprise. La bestiole en profite, elle me la chipe. Sans demander son reste, elle s’envole, son butin coincé dans ses mandibules avant. Enfin elle s’envole… Disons que le poids du bordel lui fait perdre de l’altitude et moi, un peu rancunière, je me précipite déjà à sa suite pour récupérer mon bien. Y’a des cinglés qui courent après l’amour, d’autres après un rêve et moi, je trébuche à moitié pour courser une libellule… Ouais, question de valeurs tout ça. Le noir est occulté, la bestiole, ou plutôt ses ailes, font un boucan de tous les diables, pas compliqué de la suivre. Bien sûr les bougies sont éteintes, malchance poisseuse qui me colle à la peau.
« Et tu comptes en faire quoi imbécile ? » Que je lui gueule à tronche-de-cake. Elle n’écoute pas, elle plane… Dites, ça se drogue une libellule ? Non parce que je veux la même chose histoire d’oublier un peu. Je cours dans les dédales du jardin du château. Ce n’est pas un labyrinthe mais on peut s’y perdre tant la verdure est prédominante. Je ne suis pas là en touriste, j’ai horreur du vert de toutes les façons. Elle cavale la fille, dans le noir pas si noir que ça. C’est la pleine lune. Ca aide. Et puis ça y est. Essoufflée, pas sportive pour deux sous, je m’arrête, les deux mains pressées sur mes cotes. A-t-on l’air bête en insultant un fichu insecte ? Oui et pas qu’un peu. Bon, ne reste plus qu’à retourner au château. Et non. Là, t’as une voix plaintive qui émane d’une allée d’arbustes. T’es curieuse. T’es un peu conne surtout alors tu t’approches. C’est une haie haute de deux bons mètres, un peu sauvage, on voit tout de suite que ce coin là du jardin n’a pas été taillée depuis un bail. La voix est féminine, douce, elle geint, elle souffre dirait-on. Moi, la souffrance, je m’en cogne mais je me sens envoûtée alors j’écarte les branches pour débusquer la geignarde.
Tomber nez à nez avec un miroir, ça fait drôle. Car s’en est. Sauf que je ne vois pas mon reflet. La voix ne dit plus rien. J’ai rêvé. Encore une fois. Perplexe, je scrute la surface lisse. Le miroir est immense, posé bien à plat, recouvert de branchages, il me dépasse d’une bonne vingtaine de centimètres. Bizarre car vu l’obscurité je n’aurais pas du le remarquer. En fait, il brille un peu, comme incandescent. Brûle-t-il ? J’suis vraiment trop con dés fois… Ce truc, c’est un radiateur à radiant, j’ai le même à la maison. Trop classe ce truc. Allez hop, j’y pose les doigts. Et là… « Heureuse de te rencontrer jeune fille… J’ai pour nom, piège à cons. Tu comprendras très vite pourquoi. » Super. Bonjour la bourde. La voix émane bel et bien du miroir, cela ne fait aucun doute. En touchant la vitre, j’ai senti comme un court-jus me parcourir. Là, mes bras retombent le long de mon corps. Allez, je ne m’attarde pas, je file. Loupé, mes membres refusent d’obéir, je suis comme une tétraplégique qui se tient sur ses deux jambes… Ca n’a aucun sens. « Il nous manque une seconde personne et nous pourrons nous amuser tous ensemble. » Elle me nargue la peau-de-vache. Elle rit beaucoup, elle brille encore plus. C’est sûr qu’elle va attirer un con vu la nuit qui s’épaissie. J’en deviens carrément invisible, surtout que les branchages me recouvrent à mon tour. Je me dis que hurler serait judicieux mais aucun son ne peut franchir mes lèvres. Je suis engluée, bêtement attrapée par ce fichu miroir. Le piège à cons porte très bien son nom.
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Sujet: Re: Aliénation ♣ Cryst Mar 15 Nov - 1:15
« I'm so sick »
Marcher sans savoir où aller, qu'est-ce que c'était ironique mais au moins ça m'empêchait de laisser le froid me congeler les membres et les veines jusqu'à ce que mort s'ensuive. Et pourtant, ce n'était pas l'idée de disparaître qui me dérangeait le plus. C'était l'attente, cette petite conne qui ne se gênait pas pour venir crucifier ce qu'il restait de mon âme. Moi qui pensait que le monde des vivants était fou, celui-ci l'était encore plus. C'était comme nager dans une incertitude constante, à ne pas savoir différencier le vrai du faux. J'étais dans mon élément, dans l'incompris et l'incompréhensible et ça me convenait parfaitement. Le jour ne semblait pas se lever, l'obscurité m'accompagnait à chacun de mes pas. Me collait à la peau comme une maladie dont le remède n'existe que dans mes songes. Je me faisais croire que tout ceci n'était que le fruit de mon imagination. Même si au plus profond de moi, je savais que cette réalité désaxée existait bel et bien. Marcher était devenu un automatisme, je vagabondais sans but. Entre les vents glacés. En serrant la main de la solitude un peu plus à chaque respiration que je prenais. On m'avait dit qu'il y en avait d'autres, je ne savais pas le nombre exact mais il y en avait d'autres. À croire que les morts étaient destinés à se perdre dans la folie. Je me rendais compte que tout cela était étrangement vicieux, vicieux et sans moral. Je n'avais jamais été le genre de personne à accorder de l'attention aux devoirs de plaisance. Parfois mes paroles mordaient la sensibilité de certains pour y laisser couler un venin mortifiant. Le pire, c'était certainement que je ne le regrettais jamais. Aimer me semblait si éloigné de toute cette noirceur qui s'était installée au creux de mon corps. La vérité, c'était que j'étais lassée et que la vie, la survie ne m'importait pas le moins du monde. Cependant, je continuais. Seule. Observant chaque recoin de ce monde si étrange. Certainement par curiosité. Je ne ressentais aucun malaise. Je ne voyais juste aucun intérêt à toutes ces bizarreries.
Mes pas me portèrent face à un grand édifice. Tout portait à croire que c'était un château. Je décidais d'y pénétrer, j'y passerais peut-être quelques heures afin de dormir. Même si je ne croyais pas trop en cet infime espoir qui venait me frôler l'histoire de quelques secondes. Mes yeux s'étaient habitués à l'obscurité, cela faisait des heures que je marchais sous le voile de la nuit et cette atmosphère sereine m'apaisait. Tout était différent lorsque le soleil rendait l'âme et c'était cette différence qui berçait mes pensées salies par la haine. Tout en continuant ma route vers nulle part, je constatais que je marchais sur une pelouse. Extrêmement bien tondue et qu'autour de moi il n'y avait que des haies immenses. Tout aussi bien entretenues que la pelouse sur laquelle je me perdais. Cet endroit était grand, plus grand que ce que je ne me l'étais imaginé mais cela ne me freinait en rien. De toute évidence, je n'avais plus rien à perdre alors autant avancer sans crainte et découvrir ce que cet endroit peut bien cacher. Un rire moqueur m'avait arrêté net. Je restais immobile quelques instants, scrutant les environs tout en me concentrant sur ce son qui sortait de nulle part. Mon regard s'était arrêté sur une lueur étincelante. Toujours cette foutue curiosité qui me poussait à aller voir ce qu'il se passait dans ce coin-là de mes propres yeux. Heureusement, ma méfiance m'avait rappelé que j'avais cette ombrelle avec moi en cas de pépin et aussi ces cartes coupantes à souhait, avec lesquelles je m'étais ouverte par mégarde, croyant que ce n'était qu'un simple jeu de cartes.
Enfin bref, j'étais équipée et j'étais certaine de savoir m'en servir dans le pire des cas. J'avançais donc, toujours sereine bien qu'intriguée par ce rire que j'avais perçu plus tôt. Et puis cette lumière là-bas au loin, d'où sortait-elle ? Le flux de mes pensées s'accélérait et je m'étais surprise à m'imaginer des tas de choses. Après tout, vu l'endroit dans lequel j'étais tombée, plus rien ne me semblait impossible. Le plus drôle, c'est sans doute que durant ma vie de vivante, j'avais l'habitude de dessiner ce genre de choses totalement à l'ouest et cela m'amusait. J'avais même désiré que mes dessins soit réels. Ici, mes dessins semblaient prendre vie. Voilà certainement la raison pour laquelle je me sentais aussi à l'aise ici. Au pays des merveilles, plus vraiment très merveilles soit dit en passant. Après quelques minutes, j'étais enfin arrivée mais je ne voyais plus cette lumière qui m'avait attiré. Étrange... Je reste toujours aussi silencieuse. Observant toujours les haies de ce jardin qui ne semble pas avoir de fin. Puis je remarque qu'il y en a une, plus en fouillis que les autres. Ça m'interpelle. Forcément. J'avance encore un peu mais je ne vois toujours rien. Agacée, je commençais à virer ces foutues branches. Certaine que la lumière se cache ici puis. Je tombe face à un miroir où mon reflet n'y est pas. Encore plus bizarre que je ne le croyais. Je recule un peu, histoire de ne pas me faire attraper comme une conne. Si ce monde était aussi barge que je le suis, alors j'avais toutes les raisons de me méfier de cette chose qui était face à moi. Je décide de tester, prudemment cependant. Inutile de prendre des risques toute seule. Il n'y a rien d'amusant là-dedans. Accompagnée, oui peut-être mais ce n'était pas le cas. Du bout de mon ombrelle, je touche le verre du miroir sans reflet. « Aoutch ! » Ok, ce truc parle. Ma réaction aussi bizarre soit-elle a été de sourire. Après quelques minutes, cette chose commençait à s'illuminer à nouveau, légèrement. « Qu'est-ce que tu es ? » avait-je lancé. Normal comme question ! Mais le miroir n'était pas très loquace apparemment vu sa réponse. « C'est plutôt à moi de te demander cela. Je voulais juste qu'on s'amuse ensemble ! Nous t'attendions d'ailleurs, tu es en retard. » Le machin me parlait comme si on se connaissait depuis toujours, moi je restais toujours aussi silencieuse. Pas question que je commence à faire la discussion avec un miroir qui semblait totalement en plein délire. Cependant, ne pas lui adresser la parole ne voulait pas dire que je ne faisais pas attention à ce qu'il me racontait. Ce truc avait dit bien dit « nous t'attendions » Alors soit la schizophrénie était monnaie courante, soit il y avait quelqu'un, quelque part. Peut-être un autre objet qui parle ? Je décidais de fouiller le coin, tout en prenant soin de m'éloigner à une distance raisonnable du miroir parlant.
Et puis en cherchant, cachée derrière les branchages de ces hautes haies, j'y ai trouvé quelque chose. Ou quelqu'un. Je n'étais pas certaine. Elle semblait immobile, presque semblable à une statue. C'était une fille ou alors la réplique parfaite d'une fille. Je la sortais de là du mieux que je le pouvais en la traînant un peu. Vu ma force, je n'allais pas aller loin. Je décidais de l'allonger sur l'herbe. Le miroir jacassait des choses que je n'écoutais pas. Non, ça ne m'intéressait pas ce qu'il disait. Reportant mon attention sur ma trouvaille, je fixais ses yeux de poupée de porcelaine. Ils étaient bleus, j'en été quasiment certaine. Le lumière pâle de la lune m'avait aidé. Si c'était une statue, elle était sacrément bien réalisée ! Le doute commençait à pointer le bout de son nez. Je décidais donc de vérifier, histoire d'en avoir le cœur net une bonne fois pour toutes. Je sortais une de mes cartes rasoirs et faisait glisser la lame sur la surface lisse de ce qui représentait sa peau. Juste à l'épaule gauche, inutile de commencer une boucherie. Le glissement de la lame s'ensuivit d'un liquide. Toujours pas sûr que cela soit du sang... Moi, toujours en mode vérification, je passais mon doigt sur la plaie que je venais d'ouvrir et goûtais le liquide en question. Ça y est ! J'étais sûre à présent qu'elle était humaine. Ce goût métallique qu'à le sang me l'avait dit. Je la fixais à nouveau, un léger sourire aux lèvres. « Je suis désolée de t'avoir tailladé le bras mais c'était juste une vérification. » Je me relevais bien décidée à diminuer le moindre risque pour aujourd'hui. Je n'étais vraiment pas d'humeur à jouer à ce genre de jeu. J'enlevais l'un de mes talons et le balançait violemment dans ce foutu miroir. Les éclats de verre s'échouèrent sur le sol. Je récupérais ma chaussure et la remettais à mon pied puis je m'asseyais aux côtés de la jeune femme. Toujours allongée à même le sol. Je ne savais pas ce que cette chose avait bien pu lui faire mais je comptais attendre qu'elle reprenne sa motricité durant quelques heures pour le lui demander. Et si jamais, elle ne récupérait pas sa motricité le délai dépassé, je m'en irais. Aussi simplement que j'étais arrivée.